Les demandes de consultation pour violences conjugales augmentent depuis 2012 sur Psychologue.net. C’est pour cette raison que l’équipe éditoriale du site nous a invités à répondre à quelques questions.

psychologues

Quelques chiffres

Le site Psychologue.net enregistre des demandes d’aide pour violences et agressions en constante augmentation depuis 2012.

Si ce chiffre a été multiplié par 2 entre 2012 et 2014, il l’a été par 4 durant l’année 2016. Or, parmi ces requêtes, 1 sur 3 est liée aux violences conjugales.

Comment expliquer le phénomène d’emprise et les violences conjugales ?

Les violences conjugales s’installent petit à petit, sans faire de bruit. Quand la victime s’en aperçoit – souvent lorsque les premiers coups fusent – la violence est présente depuis bien longtemps. Pendant des années, l’homme violent a rabaissé, dénigré, humilié sa femme par des réflexions culpabilisantes, des attitudes équivoques ou des mots insultants. Il a exercé une emprise grandissante sur elle en contrôlant ses gestes, la rendant responsable du moindre problème et en devenant un jaloux maladif. Cette emprise va crescendo, et ce, sur une longue période.

La victime ne comprend plus ce qui lui arrive, se remet en cause même pour des actions qu’elle n’a pas commises, croit son mari qui lui dit qu’elle est trop sensible ou folle. Elle tente par tous les moyens d’éviter les conflits, quitte à nier sa propre personnalité. Elle finit par ajuster son comportement aux réactions de l’homme violent et perd son libre arbitre, son identité : le piège s’est refermé sur elle.

Soulignons que les violences dans le couple sont toujours psychologiques et peuvent, dans certains cas, s’accompagner de violences physiques, économiques ou sexuelles.

Pourquoi la victime de violences conjugales ne part-elle pas ?

L’homme violent adopte un mécanisme bien rodé : il établit d’abord un climat de tension (tous les petits gestes et réflexions qui stressent et qui font se sentir mal), provoque la crise (bousculade, coups, cris, colère…), trouve des justifications à son attitude (« ce n’est pas de ma faute, c’est à cause de toi, de mon passé… ») puis redevient gentil ou tout du moins calme : c’est ce que l’on appelle la lune de miel. En vivant tour à tour ces différentes étapes, malgré les violences, la victime espère retrouver, un jour, l’homme qu’elle a aimé. En effet, lorsqu’elle doute de sa relation avec lui, la période de lune de miel lui redonne espoir.

Le mari tente aussi d’isoler sa femme : de ses amis, de sa famille. Il l’incite souvent à abandonner son travail ou à mettre sous cape sa carrière. La victime se retrouve alors, seule, dépendante financièrement de son conjoint, affaiblie psychologiquement : difficile dans ces conditions de partir.

Enfin, 40 % des violences commencent pendant la grossesse. La femme, en quittant son mari, a peur de faire voler la famille en éclats et de priver ses enfants de leur père.

En quelques lignes, nous voyons combien il est compliqué de s’extraire de la violence conjugale et le courage qu’il faut à la victime pour y parvenir.

Bien choisir son psychologue

Pour agir, se sauver et protéger ses enfants, la victime a besoin de reprendre confiance en elle, d’analyser la situation puis d’envisager une stratégie de départ. Isolée, fragilisée, il est important qu’elle puisse s’entourer de professionnels qui l’aideront dans son parcours et sa reconstruction. Consulter un psychiatre ou un psychologue est une démarche décisive, qui porte ses fruits.

Encore faut-il se tourner vers une personne qui connaisse les mécanismes complexes des violences conjugales et qui soit réellement soutenante, compétente sur le sujet.

Voici 5 conseils à destination des victimes.

#1. Privilégiez les professionnels qui vous écoutent, vous comprennent, respectent votre temporalité et sont dans le non-jugement. Le moment passé avec eux doit être une bulle d’oxygène, un moyen de vous retrouver, de gagner en confiance et d’appréhender la situation que vous vivez.

#2. Constituez une équipe autour de vous. Vous pouvez, outre le psychologue ou le psychiatre, rencontrer les membres d’associations spécialisées, un avocat, d’autres femmes qui ont vécu la même situation que vous lors de groupes de parole. Avec ces soutiens diversifiés, vous trouverez le courage d’affronter les épreuves et arriverez à reconstruire une vie sûre et heureuse. Mettez toutes les chances de votre côté.

#3. Fuyez les professionnels qui vous culpabilisent : vous avez, au contraire, besoin d’être comprise et accompagnée. Voici des années que vous êtes rabaissée par un homme violent, vous méritez maintenant d’être crue et défendue. De plus, le psychologue ou le psychiatre doit vous aider à gérer le moment présent. Il sera temps, une fois que vous serez sereine, à l’abri de la violence, et si vous en avez envie, de vous interroger sur votre passé et votre enfance.

#4. Faites attention aux personnes qui vous conseillent la médiation. Il est impossible de discuter avec un homme violent. Il retournera systématiquement la situation contre vous, vous manipulera, n’aura aucune empathie et ne pensera qu’à lui.

#5. Soyez prudente quand les aidants surréagissent ou vous poussent à porter plainte. Un départ demande de la préparation. Qu’allez-vous faire une fois la plainte déposée, l’appartement quitté, votre conjoint prévenu de votre souhait de vous séparer de lui ? Nous vous conseillons de vous renseigner sur les solutions possibles, de petit à petit (et en secret) entreprendre des démarches afin de trouver un travail ou un emploi mieux rémunéré, bénéficier d’aides, entamer une procédure de divorce…, et ce, pour partir dans de bonnes conditions. Bien entendu, si vous êtes en grand danger, vous devez vous mettre en sécurité.

Se former

L’association Elle’s Imagine’nt donne des formations aux psychologues et aux médecins qui souhaitent mieux comprendre les mécanismes d’emprise et le cycle des violences conjugales, mais aussi orienter rapidement les victimes et savoir comment établir des certificats médicaux. Plus d’informations.

.