Les catégories socioprofessionnelles les plus aisées seraient-elles épargnées par la violence au sein du couple ? Est-ce que faire des études et bien gagner sa vie changeraient les données du problème ? 

beaux-quartiersMuriel, assistante sociale spécialisée dans la lutte contre les violences conjugales et bénévole à Elle’s IMAGINE’nt, répond aux questions ou affirmations que l’on entend souvent.

« Pour moi, violences conjugales riment avec milieux défavorisés. »

Cette corrélation vient principalement du fait que nous avons tous – citoyens, mais aussi travailleurs sociaux, magistrats, famille – du mal à imaginer que le cadre supérieur, brillant, charmant avec ses collègues, ses voisins, ses amis, ses parents puisse être un tyran domestique.

De plus, les femmes des beaux quartiers sont encore plus isolées et dénoncent difficilement les violences qu’elles subissent. D’une part, la honte est très présente : « ce sont des choses dont on ne parle pas », d’autre part, elles ne rencontrent que très rarement une assistante sociale.

En effet, lorsque nous sommes sollicités par une famille pour d’autres motifs : une aide financière, le mal-logement, des dettes chroniques… nous trouvons l’occasion d’évoquer les violences. Autant de portes d’entrée que nous n’avons pas avec les dames à l’aise financièrement.

« Mais, comment peut-on accepter de subir des coups quand on a les moyens financiers de partir ? »

Une femme reste avec son mari ou son conjoint parce qu’elle est sous son emprise psychologique, a peur et ne voit pas d’issue. Elle a fondé une famille avec un homme qu’elle a choisi et qu’elle ne comprend plus. Elle craint de faire voler la structure familiale en éclats.

Rappelons aussi que nombreuses sont les femmes qui ont abandonné leur carrière professionnelle au profit de l’éducation des enfants et sont devenues totalement dépendantes financièrement de leur mari. Cela les met dans l’impossibilité de partir au moment où elles le souhaiteraient.

C’est pourquoi je voudrais insister – et les enquêtes le montrent – sur le fait que les femmes qui sont dans une situation économique fragilisée, quel que soit leur milieu social, s’avèrent plus exposées aux violences. Une fois que la femme a réussi à se détacher psychologiquement de son mari, l’emploi et l’autonomie financière lui permettent de s’extraire plus facilement des violences.

J’ajouterai que les violences psychologiques et sexuelles ne se voient pas, contrairement aux coups, mais sont très destructrices.

« Pourquoi ne contactent-elles pas les associations spécialisées ? »

Peu se reconnaissent dans l’image de la femme battue. Mais, c’est la société qu’il faut incriminer, car elle ne sait pas expliquer le processus pervers des violences conjugales qui touche tous les publics.

Si la honte, l’isolement et la peur sont universels, il est socialement complexe, pour les femmes aisées, de s’adresser aux associations spécialisées ou aux services sociaux à cause de leurs propres représentations voire même de leurs préjugés.

Pour celles qui occupent des postes à responsabilités, il est parfois difficile d’admettre être victimes quand on « assure » au travail.

Photo de Franck Malthierry