Mon mari m’insulte, m’humilie régulièrement et m’a déjà donné une claque. Ma meilleure amie ainsi que mon médecin me disent d’aller porter plainte. Je suis confuse, je ne sais plus si j’aime encore mon conjoint, j’ai peur. Que dois-je faire ?

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De nombreuses personnes conseillent aux femmes victimes de violences dans le couple de porter plainte : amis, internautes sur les forums et, parfois même, membres d’association. Or, il est extrêmement difficile de dénoncer à la police les agissements de son mari ou de son compagnon.

En effet, la victime aime ou a aimé cet homme, a vécu des années avec lui et ils ont parfois eu des enfants ensemble. De plus, il existe une relation d’emprise et l’homme violent adopte une attitude ambiguë, passant brusquement de l’agression aux mots gentils.

Notons que la plupart des gens qui donnent ce conseil n’ont jamais porté plainte contre un proche et n’en connaissent pas les répercussions.

Quelle est la véritable urgence ?

Il y a rarement urgence à porter plainte, sauf en cas de danger imminent, bien entendu. En revanche, il faut rapidement garder des preuves des violences car les messages s’effacent, les bleus disparaissent, les témoins oublient. Ainsi, la première démarche est bel et bien de se constituer un dossier : impression des messages ou SMS, recueil de témoignages, attestations de médecin, photos, enregistrements… Il est utile de noter précisément les faits pour se rappeler des détails des agressions.

Précisons que ce travail est important même si la personne ne souhaite pas porter plainte. Le temps efface les souvenirs. Or, il est utile de garder des traces du passé pour prendre conscience des situations vécues et se reconstruire.

Apporter des preuves

Si vous souhaitez porter plainte, il vous faudra prouver vos allégations. L’on pense souvent que c’est au policier de mener l’enquête comme nous le voyons dans les films. Cependant, lorsqu’il s’agit de violences conjugales, si la victime arrive au commissariat sans éléments de preuve, dans le meilleur des cas la plainte sera classée sans suite et dans le pire des cas, le brigadier ne voudra même pas la prendre. Ce n’est pas ce que dit la loi… certes, mais c’est l’usage que nous rencontrons fréquemment dans les commissariats.

Des conséquences à court ou moyen terme

Lorsque la victime porte plainte, l’agresseur présumé sera prévenu de sa démarche. Il peut l’être immédiatement, dans une semaine ou dans un mois. Comment rentrer au domicile commun lorsque l’on vient d’accuser son conjoint, en ne sachant pas s’il est au courant ou non… et ce, durant des semaines ? Bref, avant de porter plainte, nous conseillons fortement à la femme d’avoir anticipé la suite : demande de divorce ou non, logement, salaire, école des enfants, etc.

Retirer sa plainte

Lorsque la victime est confuse, n’a pas pris conscience des conséquences de la plainte, elle risque de la retirer. Grave erreur. En effet, non seulement l’homme violent aura des arguments pour la traiter d’affabulatrice, pour asseoir encore plus son pouvoir, mais il pourra porter plainte contre elle pour dénonciation calomnieuse. De victime, elle passera ainsi à mise en cause. En outre, elle se discréditera auprès des policiers. Difficile ensuite de dénoncer les agressions psychologiques ou physiques. Or, il y aura de nouvelles violences.

D’accord, mais que faire ?

1/ Garder des preuves. Mettre les papiers importants à l’abri.

2/ S’il n’y a pas de danger imminent, prendre le temps de reprendre confiance en soi, d’analyser la situation, de comprendre le mécanisme des violences et le fonctionnement de l’agresseur, de percevoir les conséquences catastrophiques des violences sur les enfants. Avec l’aide de professionnels, se projeter dans une autre vie et préparer les étapes nécessaires pour y arriver : logement, travail, finances, démarches juridiques, garde des enfants, éducation.

3/ Une fois que l’on est sûre de soi : agir et ne plus se retourner.

Peut-on porter plainte longtemps après les violences ?

avocatLa prescription de la plupart des violences conjugales, hormis les crimes tels que le viol, est de 3 ans.

Cependant, il est souvent reproché à la victime de ne pas avoir agi rapidement après l’agression. Comme si le fait de laisser passer du temps atténuerait les actes commis !

D’un autre côté, sans preuves et sans une forte détermination, la plainte a peu de chances d’aboutir.

Il faut donc trouver un juste milieu en fonction de la situation de la victime et de son ressenti psychologique.

Se faire accompagner

Il nous semble primordial d’être conseillée avant de porter plainte et si possible de se faire accompagner le jour J.

Un avis juridique (via les CIDFF par exemple) ou le recours à un avocat permettra à la victime de connaître ses droits, de préparer ses arguments, de se sentir comprise et soutenue, de mettre toutes les chances de son côté, d’avoir moins peur.

N’hésitez pas également à contacter une association spécialisée : être aidé près de chez soi.

Que penser de la main courante ?

Le fait de déposer une plainte est un acte lourd de conséquences. Il est donc possible de faire, dans un premier temps, une main courante. Elle notifiera les éléments de violences sans que l’enregistrement de ces derniers conduise à une procédure judiciaire et pénale. L’homme violent mis en cause ne sera pas prévenu de la démarche de la femme.

Cette procédure est utile pour plusieurs raisons. D’une part, si la victime souhaite déposer une plainte plus tard, les preuves transmises lors du dépôt de la main courante serviront à étayer le dossier. D’autre part, le fait d’aller au commissariat et de se confier à un représentant de la justice constitue une étape importante pour la femme.

Important : Notons que de plus en plus de commissariats disposent de travailleurs sociaux ou de psychologues. Nous conseillons vivement aux victimes de les rencontrer. Vous pouvez également prendre rendez-vous avec la brigade locale de protection des familles (BLPF).

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* Lire le très intéressant article « Comment je suis devenue coordinatrice sociale au commissariat ».

* Pour en savoir plus sur la brigade locale de protection des familles (BLPF)

* Des renseignements sur le fait de porter plainte

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